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9 mai 2011 1 09 /05 /mai /2011 19:11


Ton souffle court...


"Je ne pouvais que suivre Quidam, il m’invitait vers ses contrées comme ces étranges attractions terriblement fascinantes et qui t’entraînent malgré toi…il avait surtout l’air de vouloir me glisser quelque chose à l’oreille.

Sa discrétion, son souffle rauque et doux me repoussent et m’aimantent à la fois. La nuit me tombe dessus comme un fardeau qu’on apprivoise, et voilà que je ne parviens plus à retrouver mes repères habituels. Ma tête tourne, il s’approche progressivement avec une patience courtoise. Je sens que je ne crains rien. La figure mouvante est encapuchonnée, vêtue d’une cape noire qui déchire sauvagement le paysage. Elle a l’air d’être sans âge, sans visage, et cette voix…le temps lâche sa prise et je m’engouffre passionnément dans les affres impétueux de Quidam…mon coeur bat à tout rompre. Il pénètre mon esprit et en redessine les contours oublieux. S’il te plaît, ne me fais pas trop mal.

Nous voici sur la plaine aventureuse de mon enfance… Te souviens-tu de ta colline aux arbres rouges ? Tu la dévalais avec ardeur dans ta petite Normandie souffreteuse. Je parcours d’un coup d’œil ce décor perverti. A présent les arbres n’ont plus de feuilles, mes anciens camarades restent pétrifiés devant moi, les rires ont perdu leur résonance et moi, moi ?
…Je reste plantée là…
Mon petit lac ne regorge plus de ces petits têtards que je torturais délicatement…non, il réverbère des souvenirs sinueux et épars orchestrés par mon bel inconnu…Tout s’emballe dans une flambée de rires gras. Je n’aurais pas dû me laisser influencer…je me suis trompée et j'explore en cet instant des ombres tapies que je croyais enterrées à jamais.
Quidam, en paria du brouhaha expire mes blessures et s’abreuve de mes maux, mon vampire convoquent mes silences et des souvenirs qui prennent corps dans une tempête où le rêve n’apaise que l’indifférence apparente.

Voilà qu’il remémore le jour où j’ai volé tous les livres de la bibliothèque communale. J’en prends un au hasard et je respire alors des pages sans doute imprégnés d’un temps familier …Non. Les pages n’ont plus d’odeur, l’encre disparaît peu à peu, mes doigts saignent de plus en plus et je me noie dans le vide de ma mémoire. La pièce est gorgée d’eau. Le tiroir du temps se dévide et je me vaporise sous la pluie de regards persistants…sale voleuse ! Tu finiras mal si tu continues...de toute façon t'as jamais été bonne à rien. Bande d'incapables. Mais mon petit doigt m’avait dit que non! Voler encore et toujours ce qui n’a pas de frontières, de propriétaire dans la tête d’une petite écervelée…J’ai volé pour me réapproprier, fuis ce qui n’a pas d’écorces, et toujours et toujours je nie l’évidence... Change de nom où on te hantera éternellement les abysses de ta mémoire. Les livres chuchotent. C’est toi que tu méprises, nous ne sommes que l’instrument de ta déchéance. Méprise, méprise chère insolente. »

Pluie de regards mués en fleurs, un havre de paix semble naître sous mes pieds.


Je suis propulsée dans le jardin de mes seize ans. Attendrie, je revois mon petit chien blessé par Lui. Il y a des cartons en nage tout autour de moi… la maison a brûlé depuis trop longtemps. Ecoute écoute ! le vent te souffle quelque chose…Quidam c’est toi qui a fait ça ? Regarde autour de toi...
Mon petit chien… Pourquoi t’a-il fait du mal ?
J’approche de ma créature, elle émet de petits cris plaintifs. Ces yeux sont en forme de billes… ce n’est plus qu’un peluche dépouillée par les oripeaux du temps. La chose finit par s’étrangler de douleur dans une mécanique infernale. Je ne peux rien faire Quidam. Qu’est-ce que je dois faire? Ma tête est sur le point d’exploser… je ne supporte alors plus l’idée de garder ces cartons moisis. Mes ongles arrachent les yeux de l’animal et dépouillent les cartons dans une fureur assassine.

Le temps m’a détraqué, je détraquerai l’histoire.

Volez mes livres et je saurai la plus heureuse, brûlez-les si l’hiver est trop rude mais lisez les vingt fois ! Ne retourne pas en arrière ma petite, ouvre les cartons ! les cartons !oublie ces maudits livres…Oh Quidam, tu es là.
Reprenant mon calme, j’ouvre le dernier carton. Le lac s’y réfléchit de nouveau, une nouvelle pellicule se développe et je ne suis pas l’architecte de ces télescopages terrifiants. Je sens ce souffle court arpenter ma nuque dans un mouvement inéluctable. Il te brisera l’échine…Papa. Papa. Non arrête, tout sauf ça! La table maudite, le cirage, l’odeur des pommes.
J’ai peur des rebords de table mon amour…

L’Autorité m’interroge sur une leçon de mathématique perfide. Il ne la comprend pas. J’invente des formules mais ça ne l’amuse pas.
Pauvre père…Arrête de trembler!
Arrête tout de suite! je tremble, je suffoque…Arrête tout Quidam.
Je vampirise tes peurs et je te fais du bien. Plaisir malsain que j’inhale. Mais moi je n’aspire…je n’aspire qu’à une chose, je veux rentrer chez moi. Attends…Non pas mes dents !
J’implore une illumination matheuse. Fracas de la tête sur le rebords de la table en bois…Et la souris qui ne passera pas ce soir…mes larmes s’échouent dans le creux de ton sourire.
"Tu t’es mordue la langue, tu saignes mon ange ?" Non. Non…
Dis Oui…
Oui!
Je me suis mordue…Papa l’a dit, je dois le dire. Pauvre mère…Elle sait ! D’autres cris s’agglutinent parmi d’autres fracas, des rebords de table brisés éclatent dans une violence désunie. Mon inconnu me gratifie d’un clin d’œil maladroit dans ce lac de perdition qu’il a peint malgré lui, malgré moi. Un signe, une lumière, Quidam, Quidam, aide-moi à me retrouver...

Il mime un faux réveil. Une petite fille en double. L’une sautille sur ma housse de lit, l’autre reste enfouie sous les couettes. Je les connais je crois… Ne te pose pas de questions……mais l’une d’elle se lacère les doigts ?
Détestable.

Tu es la honte de la famille… Incapable, tu finiras mal…
Tu ressembles à Papa quand tu t’énerves… Tu es folle ma pauvre fille
Elle revient quand la petite fille gentille ? L’autre, l’autre elle, elle est toujours là.
Pourquoi tu joues à la marelle avec des bouts de dynamite ? dis dis ?


Mon souffle devient trépidant, il court comme un chien en rage et je crache des racines putrides sur le bord d'un autel rendu funeste. La maladie, elle, elle se perpétue…tu finiras comme lui, c’est ton fardeau…il a infusé ça en toi.

Ca me broie les os. Je crache nerveusement des lettres en forme de K ; je sens les brûlures d’un temps qui m’a désarticulé sans le vouloir et je crache tout son fiel rabougri. Mon corps se désagrège et n’est plus qu’un murmure haletant.
Un instinct vital et inespéré te sauve:
Je ne veux pas finir comme ça!

La petite fille conjure les failles d'un esprit morcelé.

Douze coups de minuit.

Le carrosse arrive à une vitesse fulgurante, je m’engouffre à l’intérieur du vaisseau de fortune en un bond vertigineux. Quidam me remonte à la surface avec sérénité, je peux retirer ta capuche maintenant? je veux savoir.
J’essaye de le toucher mais ce sont des milliers de gouttes qui pullulent alors dans un tourbillon de couleurs violemment contrastées…Mes réminiscences tournoient frénétiquement dans ce stratagème fulminant.
Mouvements baroques parfois tendres, puis plus rien. Je tombe dans un puits noir, sans pouvoir triturer ces souvenirs qui vous rongent en quémandant l’oubli.

Les yeux fermés, j’hurle :
- Quidam aide-moi!
Le rêve suffoque :
- Quidam c’est toi ! "

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